Les retraités, voilà l'ennemi ?

Père de la réforme des retraites en 2010, Eric Woerth s’étonne que les retraités soient aujourd’hui présentés comme les « ennemis de la République »

Eric Woerth, ancien ministre du Budget sous la présidence de Nicolas Sarkozy et maître d’œuvre de la réforme des retraites de 2010, préside actuellement la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Autant dire que son avis sur le projet de loi de finances pour 2018 ne peut être écarté d’un revers de main. S’exprimant sur France 2, le 9 octobre, il a qualifié le budget concocté par le gouvernement d’« injuste ».

« Il est injuste pour les retraités, qui vont payer plus, tout d’un coup. Pourquoi, tout d’un coup, les retraités sont devenus des ennemis de la République ? Je n’en sais rien c’est une drôle d’idée ! »

Et comme l’animatrice de l’émission, Caroline Roux, lui demande : « ennemis de la République ? Vous allez jusque là ?" », il confirme : « Oui, parce que c’est une punition. Quand on augmente de plus de 20 % les impôts – c’est-à-dire la CSG – des retraités, ça veut dire qu’on a envie de leur prendre une partie de leur pouvoir d’achat. Ils n’avaient rien demandé, les pauvres... On leur prend leur pouvoir d’achat et on le transfère aux actifs. »

L’analyse de l’ancien ministre du budget rejoint l’un des sujets abordés dans la dernière étude de Sauvegarde Retraites : les retraités deviennent les « ennemis de la République » parce qu’ils sont supposés être plus riches que « l’ensemble de la population » un conglomérat dépourvu de signification réelle, qui inclut aussi bien les actifs et les retraités que les inactifs non retraités, comme les étudiants ou les handicapés. L’essentiel est de persuader l’opinion publique que les retraités sont des privilégiés, plus riches que les actifs. L’État-Providence, devenu prédateur, déclenche alors un conflit de génération pour pouvoir taxer les plus âgés sous l’alibi de la solidarité et de « l’équité intergénérationnelle ».

Telle est l’idée du gouvernement, et elle n’a rien de « drôle ». Eric Woerth ne la juge pas seulement « injuste », mais en outre, économiquement inopérante : « Quand vous demandez un effort à des retraités qui ont 1 300 € par mois, je ne suis pas bien sûr que ce soit exactement ce qu'il faut faire et puis c'est tout à fait inutile pour l’économie », poursuit-il. « Ce n'est pas parce que vous transférez un peu de pouvoir d'achat vers les actifs que ça change quelque chose. Les actifs, ils ont besoin de revenus d'activités, ils ont besoin de croissance. »

En effet, la taxation des retraités par l’augmentation de la CSG n’est, une fois de plus, qu’un cautère sur une jambe de bois. Ce n’est pas en taxant les retraités que l’Etat contribuera à restaurer l’économie française et à faire baisser le chômage. Les choix d’Emmanuel Macron prolongent seulement ceux de François Hollande : en frappant les retraités sous prétexte de solidarité, le gouvernement s’en prend une fois de plus à la classe moyenne.


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