La « grande » réforme de 2013 sous de mauvais auspices

Le 12ème rapport du COR doit servir de base à la réflexion sur la réforme systémique des retraites. Il évite soigneusement les sujets qui fâchent...

La loi Woerth de novembre 2010 prévoit (article 16) que le Comité de pilotage des régimes de retraite organisera une « réflexion nationale » sur une réforme systémique des retraites, appuyée sur un rapport du Conseil d’Orientation des Retraites (COR).

Le hic, c’est que ce rapport préparatoire, publié le 22 janvier 2013, évite soigneusement les sujets qui « fâchent ». On peut donc craindre qu’au printemps, les pouvoirs publics ne présentent aux Français une nouvelle réforme en trompe-l’œil. Une de plus !

Le sujet qui fâche au premier chef, c’est bien sûr la différence de traitement entre le commun des retraités et les bénéficiaires des régimes spéciaux, à commencer par les agents des trois fonctions publiques et des grandes entreprises publiques : EDF, GDF, RATP, SNCF… Le rapport du COR lui consacre moins de 30 lignes dans sa deuxième partie, consacrée à « l’adéquation du système de retraite français à ses objectifs »… Autrement dit, il l’expédie.

Certes, ses auteurs concèdent que « La diversité des règles et des paramètres génère des écarts de pension entre deux monopensionnés de régimes différents » – autrement dit entre salariés du privé et du public.

Mais ils s’empressent d’ajouter que « les conclusions à tirer de tels écarts ne sont toutefois pas évidentes » et que « l’équité entre les assurés ne passe pas nécessairement par l’identité des règles, des règles identiques appliquées à des publics différents n’étant pas une garantie d’équité. »

Moyennant quoi, les agents du secteur public, qui jouissent de la garantie de l’emploi, sont couverts par des régimes spéciaux très protecteurs, tandis que les salariés du privé, soumis au risque du chômage, ne sont pas protégés… Cette curieuse conception de l’équité s’explique-t-elle par le fait que les trois quarts des membres du COR bénéficient d’un régime spécial ?

Cependant, poursuivent les auteurs du rapport, « l’existence de règles différentes contribue à un sentiment, justifié ou non, d’inégalité de traitement voire d’absence d’équité, ce qui est préjudiciable à la confiance dans le système de retraite et à la capacité à accepter des réformes des droits à retraite. »

Traduction : il ne s’agit pas objectivement d’une inégalité de traitement, mais d’un simple « sentiment », d’une impression qu’éprouveraient à tort les salariés du privé, comparable en somme au « sentiment d’insécurité » qu’éprouve la dame âgée à laquelle un voyou vient d’arracher son sac…

Malheureusement, ce sentiment existe et « C’est la raison pour laquelle les dernières réformes des retraites ont notamment conduit à rapprocher les règles et dispositifs des différentes régimes de retraite », écrit le COR.

Incroyable aveu ! Ainsi, c’est parce que le « sentiment » d’injustice qu’éprouvent à bon droit les salariés du privé limite leur capacité à « accepter des réformes » – autrement dit les dissuade de se laisser gruger par l’Etat de bon gré – que les gouvernements ont adopté quelques mesures (en 2003, 2007-2008, 2010) qui favorisent la convergence entre les régimes de retraite du public et du privé !

On ne saurait dire plus clairement que lesdites réformes sont un pis-aller, une concession destinée à sauver l’essentiel des régimes spéciaux – et au premier chef la garantie par l’Etat du montant des pensions du public, tandis que celles du privé ne cessent d’être rabotées.

Si tel est le document de base sur lequel doit s’appuyer la « grande » réforme à venir, autant dire que la montagne a toutes chances d’accoucher d’une souris. En tout cas, les salariés et retraités du privé sont prévenus. Ils ne se laisseront pas arnaquer une fois de plus sans rien dire.


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