Régimes spéciaux : circulez, il n'y a rien à voir !

Le Sénat constate l’insuffisance des réformes et le caractère « financièrement insoutenable » du système de retraites, mais... fait l’impasse sur les régimes spéciaux !

La Mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) et la Commission des affaires sociales du Sénat viennent de livrer un rapport-diagnostic sur notre système de retraite. Ce rapport affirme que « le bon fonctionnement de notre système de retraite doit être évalué à l’aune de deux critères fondamentaux : sa soutenabilité financière son caractère équitable ».

Sur la « soutenabilité financière », le diagnostic est sans appel : papy-boom, déficits récurrents, prévisions financières alarmantes, réformes insuffisantes, retour à l’équilibre impossible, etc. Le rapporteur Gérard Roche souligne notamment le caractère trop optimiste des scénarios du Conseil d’orientation des retraites (COR)« scénarios fondés sur des hypothèses très peu réalistes » – et écrit noir sur blanc que « notre système de retraites – régimes de base comme régimes complémentaires – reste insoutenable financièrement, à court comme à moyen et long termes, ce qui démontre les insuffisances de la réforme de 2014 ». Le constat est sévère mais juste, même s’il ne nous apprend rien de nouveau.

Sur l’équité, le rapport est digne du roi Ubu, n’hésitant pas à affirmer que notre système de retraite est « relativement équitable ». Il faut dire que le sujet est littéralement survolé : « Votre rapporteur a souhaité se limiter à de brèves observations quant à la dimension d’équité », dit-il… Des observations si brèves et limitées qu’elles occultent totalement les régimes spéciaux. Pas un mot ! Le texte se contente d’évaluer l’équité sur trois critères : la « réduction de la pauvreté des personnes âgées » ; la réduction des « écarts de niveaux de pension entre les hommes et les femmes » et des « différences entre les générations » qui ne présentent pas « d’inégalités manifestes ». Circulez, il n’y a rien à voir !

Résultat des courses : malgré un diagnostic financier réaliste, le rapport se contente de préconiser un énième ajustement paramétrique : « poursuivre, à raison de 5 mois supplémentaires par an, le relèvement progressif en cours de l’âge légal de départ en retraite au-delà de 2017, (…) avec l’ambition de parvenir à 64 ans en 2024 ». La montagne accouche donc d’une souris, persévérant dans un inexpugnable tabou : la nécessité d’une réforme structurelle incluant la suppression des régimes spéciaux. Ouvrir les yeux, mais pas trop… Ou alors un œil, mais surtout pas les deux !

Nos sénateurs aiment tant ces régimes spéciaux qu’ils préfèrent ne pas en parler pour les faire oublier, ce qui revient à poursuivre le cercle vicieux des « réformes insuffisantes », pourtant dénoncé dans le même rapport. De "rustine" en "rustine", on peut se demander jusqu’où ira l’allongement du fameux âge de départ. Jusqu’à 80 ans ?


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