Les retraités du privé, plus décotés et moins surcotés !

La surcote et la décote ne s’appliquent pas de la même manière dans les régimes de retraite du secteur privé et du public.

La différence a été de règle dès l’origine, puisque la décote a été instituée dans les régimes du privé dès 1993, mais n’a été très progressivement étendue à ceux de la fonction publique que par la réforme Fillon de 2003 (elles ne s’y appliqueront complètement qu’en 2020), puis aux régimes spéciaux des entreprises publiques par la réforme de 2008 (entrée progressivement en vigueur depuis le 1er juillet 2010). La surcote, en revanche, s’est appliquée immédiatement aux retraites du public comme à celles du privé, dès sa création, en 2003.


En outre, le système des décotes-surcotes n’est pas équitable,
comme l’avait souligné dès 2008 une étude du professeur Jacques Bichot réalisée pour Sauvegarde Retraites*. En 2005, 4 % seulement des salariés du privé avaient bénéficié de la surcote, contre 11 % des fonctionnaires territoriaux et hospitaliers et 21 % des fonctionnaires de l’Etat. De surcroît, son montant était plus élevé pour les fonctionnaires de l’Etat (744 € par an) et pour ceux de la fonction publique territoriale ou hospitalière (444 € par an), que pour les salariés du privé (300 € par an).


Rien de nouveau sous le soleil : l’édition 2016 de l’étude sur « Les retraités et les retraites » publiée par la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), organisme dépendant du ministère des Affaires sociales, montre que ces inégalités perdurent.

Surcote

Le gain de pension lié à la surcote depuis 2009 s’élève en moyenne à 326 € par mois dans la fonction publique d’Etat civile et à 200 € par mois dans la fonction publique territoriale et hospitalière (CNRACL), contre 80 € dans le régime des salariés du privé (CNAV) et 12 € dans le régime des salariés agricoles (MSA salariés).

Et l’écart se creuse : la DREES observe, en effet, qu’entre 2013 et 2014, le gain moyen a augmenté de 20 euros dans la fonction publique d’Etat civile et de 27 euros à la CNRACL, alors que parmi les régimes du privé, seule la CNAV a enregistré une progression, de 6 € seulement. Chez les salariés agricoles, le gain moyen a encore baissé de 2 euros.

Décote

La DREES souligne qu’en 2014, le pourcentage des pensions liquidées avec une décote est resté stable au régime général et a légèrement augmenté dans les régimes alignés, alors qu’à l’inverse, il a baissé dans la fonction publique d’Etat civile (de -1,7 %) et à la CNRACL (de -1,8 %).

Surtout, la DREES remarque que dans le régime général et les régimes alignés, la décote est plus forte que dans les régimes du secteur public : elle porte en moyenne sur 12,5 trimestres à la CNAV contre 8,9 à la CNRACL et 7,8 dans la Fonction publique d’Etat civile.

Pourquoi ces différences ?

- Dans les régimes spéciaux du secteur public, la surcote concerne l’ensemble de la pension, alors que dans le secteur privé, elle ne s’applique qu’au régime de base, et pas aux régimes complémentaires (au contraire, à l’Agirc-Arrco, une décote frappant les affiliés qui liquident leurs droits à l’âge du taux plein vient même d’être instituée…).

- Les fonctionnaires sont moins durement frappés par la décote, car il est plus facile pour eux d’avoir le taux plein à 62 ans. En effet, ils ne sont pas menacés par des interruptions de cotisation pour des raisons de chômage ou de maladie, et nombre d’entre eux bénéficient de bonifications d’annuités (trimestres « gratuits », octroyés sans avoir travaillé ni cotisé en contrepartie). Un million de fonctionnaires peuvent même légalement liquider leurs droits dès 52 ou 57 ans.

*Jacques Bichot : "Réforme des retraites : le plus dur reste à faire", janvier 2008, étude téléchargeable sur le site de Sauvegarde Retraites.


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