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Notre entretien avec Joëlle Melin, de l'équipe de campagne de Marine Le Pen

Spécialiste des questions sociales dans l’équipe de campagne de Marine Le Pen, Joelle Mélin a répondu aux questions de Sauvegarde Retraites

Sauvegarde Retraites : Marine Le Pen souhaite ramener l’âge légal de départ à la retraite à 60 ans avec 40 annuités, mais la situation actuelle du système de retraite est déjà critique. Comment comptez-vous financer cette mesure ?


Joëlle Mélin : Nous ne souhaitons pas pérenniser un système qui ne marche pas. Après la création de ce système de retraites en 1946, la France a connu 25 années pendant lesquelles l’emploi a été au maximum de ce que l’on pouvait souhaiter dans une société bien-portante. Le système par répartition fonctionnait bien, les cotisants, seule source de financement, étant beaucoup plus nombreux que les ayant-droits. Dans les années 1970, puis 1980-1990, les conséquences démographiques des deux guerres mondiales ont aussi "évité" un afflux massif d’ayant-droits à l’âge de la retraite. Aujourd’hui, il n’y a plus assez de cotisants par rapport au nombre des ayant-droits. Comme il est impossible de charger toujours davantage les mêmes cotisants, il faudrait faire porter les cotisations sur d’autres, ce qui est possible puisque sur 43 millions de Français en âge d’activité, 28 millions seulement travaillent et cotisent pour financer les retraites des générations plus âgées : 15 millions ne cotisent pas ! Le vieux système intergénérationnel semble ainsi trouver démographiquement ses limites : il ne s’agit pas tant de démographie « vivante » que de démographie « active ».

Nous devrons donc créer le cadre de travail pour le plus grand nombre, ce qui suppose une relance économique générale par une réindustrialisation et la reconquête de filières déficitaires dans notre pays, deuxième source de financement pour les cotisations induites. Cela concerne les chômeurs peu ou pas rémunérés, qui pourront être mieux orientés, si l’on repense l’indemnisation du chômage, vers certains emplois. Il faut aussi favoriser l’emploi des jeunes (25 % des moins de 25 ans sont au chômage) autrement qu’à travers des « emplois d’avenir » et des emplois-jeunes qui ont occasionné une véritable gabegie. Il n’est pas normal que des personnes soient contraintes de travailler jusqu’à 65 ans, tandis que leurs petits-enfants - bon gré, mal gré - ne travaillent pas et donc, ne cotisent pas. Il s’agit d’un vrai choix de société. Il est aussi possible d’aider les étudiants à trouver des « jobs » pour financer leurs études, qui représenteront aussi des sources de cotisations, de même que le salaire parental que nous souhaitons, malgré son coût, établir progressivement pour les mères au foyer. Les « inaptes » eux-mêmes doivent pouvoir travailler, ne serait-ce qu’un peu, au sein des ESAT (établissements et services d’aide par le travail), ce qui leur permettrait en outre d’avoir un statut social. Etant médecin-rééducateur et expert auprès des tribunaux, je connais bien la question de l’inaptitude. Une autre voie consistera à autoriser les personnes arrivant à la retraite de continuer à travailler si elles le souhaitent en bénéficiant d’une surcote, plutôt que de cotiser à fonds perdus. Notre programme le prévoit.

Par ailleurs, nous évoluons dans un monde de la retraite où prévaut la spéculation de « bon père de famille ». La gestion de ces masses d’argent captives demande qu’on les fasse fructifier, prudemment mais sûrement. Or, on ne se demande jamais ce que les caisses des mutuelles en charge des retraites ont fait de tout cet argent. La question doit être posée très fermement. Marine Le Pen estime qu'il faudra sans doute créer une commission d’enquête parlementaire pour savoir exactement ce qu’il en est.

S.R. : Vous suspectez une gabegie dans les caisses ?

J.M. : C'est une très, très mauvaise gestion, en restant très polie… Il n’est pas normal qu’après avoir mis autant d’argent sur la table, l’on ait tant de difficultés à faire face au papy-boom, alors que ces Français qui arrivent à la retraite ont cotisé pendant 45 ans.

S.R. : Oui, mais dans un système par répartition, les cotisations ne sont pas capitalisées…

J.M. : En effet, mais il y a bien eu une période longue avec plus de cotisants que d'ayant-droits, les cotisations auraient dû être bien préservées. S’il s’avère qu’une partie du financement n’a pas été affecté à son objet, nous pourrons trouver un complément de financement en le récupérant.

Pour en revenir au financement, si, après contrôle du fonctionnement de la totalité des organismes qui s’occupent de la retraite par la Cour des comptes et la commission d’enquête parlementaire, et après avoir donné du travail aux différentes catégories de la population que j’ai évoquées, on constate que cela ne suffit pas, il faudra effectivement envisager soit d'augmenter les cotisations, soit d'augmenter le temps de cotisation. Mais il faut d’abord explorer toutes les sources avant.

Enfin, nous proposons une garantie explicite de l'Etat sur la caisse retraite du régime général, pour éviter toute insécurité de l'avenir des retraites...

S.R. : Finalement, envisagez-vous une retraite à la carte ?…

J.M. : Oui, absolument : la retraite à la carte, à taux plein à partir de 60 ans avec 40 années de cotisation. La véritable égalité n’est d’ailleurs pas établie sur l’âge de départ, mais sur le temps de cotisation, avec éventuellement un nombre de points nécessaires si ce système est adopté. Chacun percevra la retraite qu’il aura préparée pendant sa vie professionnelle.
Nous souhaitons aussi revenir sur la suppression de la "demi-part des veuves" et sur la fiscalisation des majorations familiales.

S.R. : Etes-vous favorable au système par points ?

J.M. : Notre position n’est pas encore complètement fixée à ce sujet, mais la possibilité en est largement évoquée. La retraite par points présente l’avantage de la facilité de calcul et de liquidation ; la transposition est tout à fait possible, mais nous avons encore quelques hésitations, Marine Le Pen souhaitant réfléchir davantage. Ce n’est donc pas encore entièrement tranché. Il est clair que cela éviterait, par exemple, que des commerçants cotisent sans avoir de droits en contrepartie, au motif que le trimestre n’était pas suffisant, ce qui est une forme de spoliation. De même pour les étudiants qui financent leurs études en faisant des petits boulots.

S.R. : La question des régimes spéciaux est importante aux yeux de Sauvegarde Retraites. Aujourd’hui, un chauffeur de bus de la RATP, travaillant à Paris, peut partir à 52 ans avec une retraite calculée sur les 6 derniers mois de son salaire et garantie à 75 %, quand son homologue travaillant ailleurs dans le secteur privé partira à 62 ans avec une retraite calculée sur les 25 meilleures années à la Cnav et l’ensemble de sa carrière à l’Arrco, et dont le montant baisse. Avez-vous une position à ce sujet ?

J.M. : Nous ferons disparaître progressivement ces injustices. Tout cela sera harmonisé au cours du quinquennat, avec une justification supplémentaire pour cela : ces entreprises, en particulier la SNCF et la RATP, réalisent de gros bénéfices à l’export. Elles ont des chiffres d’affaire très conséquents, grâce à leurs activités extérieures de transports. Il n’est pas normal qu’une entreprise qui fait de très gros profits – et tant mieux, c’est le rayonnement de la France – n’abonde pas elle-même les régimes de prévoyance de ses agents, surtout lorsqu'ils sont très largement abondés par le régime général : 80 % du régime de prévoyance de la SNCF ! Ce n’est pas juste. La justice, l'égalité et le bon sens économique imposent de lisser tous ces régimes doucement, même si des caisses spécifiques continuent d’exister, au moins dans les structures d'accueil auxquelles les affiliés sont attachés. Il en va de même de la totalité des régimes spéciaux, mais aussi des caisses autonomes. Cette harmonisation prudente a déjà été amorcée et doit être poursuivie, classe d’âge par classe d’âge.

S.R. : Sauvegarde Retraites demande aussi le retour à la démocratie sociale. A la création de la sécurité sociale il avait été prévu que les représentants des affiliés dans les conseils d’administration des caisses de retraite seraient élus. Or, aujourd’hui, les affiliés ignorent ce qui se passe dans les caisses et les conseils d’administration échappent à leur contrôle. Nous souhaitons par ailleurs que les représentants des affiliés qui siègent au sein des conseils d’administration soient affiliés eux-mêmes aux régimes qu’ils gèrent. Par exemple, le président de la Cnav, Gérard Rivière, est un syndicaliste FO qui a fait toute sa carrière à la Poste…

J.M. : Si une caisse est en danger, il est effectivement inadmissible que ses administrateurs ne se sentent pas concernés Les gestionnaires doivent être impliqués dans leur caisses, c’est la moindre des choses. Nous partageons donc votre sentiment. Il faut surtout plus de transparence. Des enquêtes parlementaires devront être réalisées, au-delà de l’audit Cour des comptes. Il n’est pas normal que le budget de l’Etat soit budgété et passe à la moulinette de la loi de finances, que les budgets des collectivités locales - de la plus petite commune à la plus grande région - soient contrôlés (en tout cas les outils existent pour cela) et que les comptes sociaux, eux, ne soient pas contrôlés.


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