Retraite - <b>Une analyse de la loi Fillon</b>
Sauvegarde retraite : des Citoyens qui Prennent leur Retraite en Main
 
Une analyse de la loi Fillon (04/07/2003)
 
Gilles Ribes, ancien dirigeant d’entreprise, est un membre de la première heure de Sauvegarde Retraites. Il s'intéresse depuis des années aux problèmes des retraites toujours en se situant du côté des bénéficiaires. Ses années de recherche et de "décortiquage du système à la française" l'amène aujourd'hui à faire une critique en règle de la loi Fillon.
 
En replâtrant le système actuel de retraites, profondément vermoulu, le gouvernement ne répond pas aux exigences d'équité, de liberté et de clarté.



Sur le plan de l'équité, il se contente :

· d'aligner la durée de cotisation des fonctionnaires à 40 ans d'ici 2008
· d'aligner dès 2004 l'indexation des retraites des secteurs public et privé
· de prendre partiellement en compte les primes des fonctionnaires
· de rapprocher progressivement les décotes appliquées aux pensions du secteur public et du secteur privé pour chaque année de cotisation manquante et d'introduire une surcote pour chaque année supplémentaire
· d'étendre à tout le secteur privé le bénéfice d'un volet capitalisation défiscalisé
· de permettre aux personnes qui ont commencé à travailler entre 14 et 16 ans de prendre leur retraite à taux plein avant 60 ans
· de garantir un niveau minimum de pension ( 85 % du SMIC ) aux salariés ayant une carrière complète au niveau du SMIC.

En revanche, il renonce à modifier :

· le calcul du salaire de référence : moyenne des 6 derniers mois pour les fonctionnaires, moyenne des 25 meilleures années pour le secteur privé, principale source d'iniquité, d'un poids considérable dans le surcoût des retraites publiques
· le taux de cotisation des fonctionnaires ( part salariale ) : 7,85 % contre 10,35 % dans le secteur privé
· les majorations et les avantages familiaux, les pensions de reversions et les pensions d'orphelin, plus avantageuses pour le secteur public (à l'exception des avantages familiaux dans le régime général de la Sécurité Sociale) : l'extension aux hommes des pensions de reversions avec jouissance immédiate accroît même les avantages du secteur public.
· les possibilités de cumul emploi-retraite, beaucoup plus libérales pour le secteur public.

Mais surtout le gouvernement renonce :

· à réformer les régimes des entreprises publiques, pourtant les plus avantageux et qui sont lourdement subventionnés par les contribuables (plus de 3 milliards d'euros par an jusqu'en 2020 pour SNCF et RATP) ou payés par les consommateurs (plus de 1,5 milliards d'euros par an en 2000, 3 milliards en 2020, ce qui justifierait une provision de 50 à 70 milliards d'euros)
· à appliquer aux fonctionnaires qui seront embauchés à partir de 2004 le même système de retraites que celui des salariés du secteur privé
· à mettre un terme au scandale de la double et exorbitante pénalisation dont sont victimes les retraités du régime général de la Sécurité Sociale qui n'ont pas validé une carrière complète (soit plus de 60 % de femmes et 15 % des hommes), dont les droits sont très inférieurs à ce qui devrait résulter d'une juste prise en compte de leurs cotisations
· à mettre un terme au scandale des majorations et des avantages familiaux, proportionnels aux pensions dans tous les régimes au lieu d'être identiques pour tous.

Sur le plan de la liberté, le gouvernement ajoute de nouvelles contraintes en annonçant l'allongement de la durée de cotisation à 41 ans en 2012 puis 42 ans en 2020, tout en laissant à chaque Français une certaine marge de liberté, moyennant l'application d'une décote ou d'une sur cote de sa retraite.
Mais

· la décote maintenue pour le secteur privé est excessive (10 % par années manquante)
· la décote introduite pour le secteur public est insuffisante (3 % par année manquante)
· la sur cote introduite pour les secteurs public et privé est insuffisante (3 % par année supplémentaire) et plafonnée sans raison à 5 ans (15 %)
· la décote ou la surcote devraient se référer à l'âge de liquidation de la retraite et non pas à la durée de cotisation. Elles devraient être calculées selon le principe de la neutralité actuarielle (ce qui conduirait à environ 6 % par an de décote ou de surcote par année manquante ou supplémentaire par rapport à un âge de référence, 60 ans par exemple) : en effet selon qu'on prend sa retraite plus ou moins jeune, son montant doit être moins ou plus élevé car elle sera versée plus ou moins longtemps compte tenu d'une espérance de vie moyenne : quant aux droits à la retraite à un âge donné, ils devraient être proportionnels au cumul des cotisations versées, quelque soit la durée de cotisation (ce qui supposerait de remplacer les systèmes par annuités - Sécurité Sociale et régime du secteur public – par un système par points)

Sur le plan de la clarté, les ajustements proposés par le gouvernement ne réduisent pas la complexité du système actuel et renforcent son opacité par le manque de précisions sur des points majeurs, en particulier le financement et l'absence de toute justification de taux de décote ou de sur cote pour année de cotisation manquante ou supplémentaire

· spéculation sur une baisse hypothétique du chômage à 5 % pour couvrir les 2/3 des besoins supplémentaires de financement des retraites du secteur privé (10 des 15 milliards d'euros par an en 2020)
· silence sur la couverture d'environ 50 % des besoins supplémentaires de financement des retraites du secteur public : ces besoins s'élèveraient à plus de 30 milliards d'euros par an en 2020 avant réforme, à environ 15 milliards d'euros après réforme, soit environ 1000 euros par an supplémentaire par foyer fiscal.
· silence sur les surcoûts de dépenses publiques et donc d'impôts engendrées par la prise en compte des primes des fonctionnaires et par l'extension aux hommes des pensions de réversions avec jouissance immédiate
· silence sur les compensations démographiques entre régimes
· montant prévisible et affectation des produits des privatisations et du Fonds de Réserve des Retraites

Par ailleurs la majorité des Français ne connaissent pas encore, en raison de la non concomitance des réformes,
· les évolutions à venir sur les régimes complémentaires (notamment ARRCO, IRCANTEC et surtout AGIRC)

· les avantages fiscaux dont bénéficiera le volet capitalisation étendu au secteur privé,
Ce qui n'encourage pas leur adhésion à la loi Fillon.
Enfin les Français ne sauront toujours pas précisément ce que les cotisations qu'ils ont payées (ou leurs contributions familiales) leur procureront comme droits à pension !
 
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