Après le CREF, le COREM ?

Avec les régimes facultatifs du public, les scandales se suivent et se ressemblent.

C’est, dit-on, dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Le brouet du Corem, fonds de retraite complémentaire proposé aux fonctionnaires, ne sera pas plus facile à digérer pour ses adhérents que ne l’avait été celui servi par le Cref (Complément de retraite de l’Education nationale et de la fonction publique) à la fin des années 1990.

Ce scandale avait défrayé la chronique des retraites après la publication d’un rapport de l’Inspection des Affaires sociales (IGAS), révélant qu’il manquait 1,6 milliard dans les caisses pour provisionner les engagements de retraite du Cref, régime complémentaire par points.

Le rapport dénonçait aussi les pratiques des gestionnaires de la Mutuelle Retraite de la Fonction Publique (MRFP), qui commercialisait le Cref. Ils s’octroyaient, en effet, des « avantages nombreux » (indemnités forfaitaires, logements, véhicules de fonction, frais de restaurant, etc.), sans accord de l’assemblée générale. Ainsi, le président de la MRFP, René Teulade (1), qui cumulait en outre les qualités d’ancien ministre socialiste des Affaires sociales, d’ancien suppléant de François Hollande à l’Assemblée nationale et de sénateur de Corrèze, bénéficiait d’un superbe appartement voisin du siège parisien du PS, rue de Solférino, d’une voiture de fonction et de plus de 45 000 euros d’indemnités diverses…

Les adhérents, en revanche, étaient beaucoup moins bien traités : en 2000, la valeur du point avait chuté de 25 %.

La MRFP fut mise en liquidation, ses gestionnaires poursuivis et condamnés, y compris René Teulade, qui écopa en première instance de 18 mois de prison avec sursis et de 5 000 euros d’amende – une broutille au regard des profits retirés de l’affaire !

Le Cref, qui comptait quelque 450 000 fonctionnaires adhérents – dont de nombreux enseignants – fut dissous et remplacé par deux régimes gérés par l’Union mutualiste retraite (UMR), au sein de laquelle on trouve de grande mutuelles de la fonction publique, comme la MGEN et la MAIF :

- le R1, en extinction (il ne reçoit plus de nouveaux adhérents), regroupe les plus anciens adhérents du Cref, soit 110 000 personnes fin 2014.

- Le Corem (complémentaire retraite mutualiste), créé en 2002 pour accueillir les autres adhérents en repartant sur des bases assainies. Il en a par ailleurs recruté 30 000 nouveaux en 10 ans.

Mais aujourd’hui, rien ne va plus. Le « trou » dans la caisse du Corem se creuse sans cesse : il atteindrait aujourd’hui plus de 2,5 milliards d’euros, et le régime ne pourrait couvrir les engagements de retraites de ses cotisants qu’à 73,5 %, voire 69 %.

Le Corem doit, en effet, boucher le trou du Cref et comptait pour y parvenir sur les nouveaux cotisants qu’il a recrutés. On peut y voir, au mieux, un système de cavalerie, au pire un système de Ponzi. Les adhérents, qui voient les rendements diminuer et l’âge du taux plein reculer de 60 à 62 ans, estiment qu’ils ont été grugés et ont donc déposé une plainte, à la suite de laquelle une enquête préliminaire a été ouverte.

Les adhérents accusent le Corem de ne pas les avoir avertis de la dégradation de sa situation financière, et de leur avoir fait miroiter un complément de retraite « garanti » qui ne l’est pas en réalité. Si rien ne laisse penser pour l’instant à une conduite frauduleuse des gestionnaires, comme dans l’affaire du Cref, leur compétence est mise en cause. Que Choisir ?, journal de l’Union fédérale des consommateurs, écrit ainsi sur son site Internet que « Les syndicats de la fonction publique, représentés depuis l’origine au sein du Corem, ne semblent pas avoir pris la mesure du problème ».

Reste à savoir qui paiera in fine, si le Corem est condamné.

Dans l’affaire du Cref, considéré comme un « organisme chargé d’une mission de service public », l’Etat avait été sanctionné beaucoup plus sévèrement que René Teulade et ses acolytes : la facture s’était élevée à 100 millions d’euros. « Force est de constater qu’il y a un poids, deux mesures », avait alors souligné Sauvegarde Retraites : « quand les caisses des travailleurs du secteur privé coulent, personne, pas même la justice, ne vient au secours des affiliés. » (On le vérifie aujourd’hui avec les difficultés que connaissent l’Agirc et l’Arrco.)

La remarque valable hier pour le Cref, le reste aujourd’hui pour le Corem. Le tribunal administratif considérera-t-il, cette fois encore, que la retraite complémentaire facultative des fonctionnaires est une « mission de service public » ? Et que ceux-ci sont lésés pour avoir cru – par habitude d’être surprotégés ? – que le rendement d’un régime facultatif par capitalisation pouvait être « garanti », comme le sont leurs régimes de retraite obligatoires financés par les contribuables ?

Condamner l’Etat reviendrait à faire payer une fois de plus l’ensemble de ces mêmes contribuables – y compris les salariés du privé dont les pensions, elles, ne sont jamais garanties et ne cessent de baisser.

(1) René Teulade est décédé en février 2014.


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