Les retraités otages de l’État
Le plan exposé par François Bayrou le 15 juillet reste aujourd’hui très flou et les modalités de sa mise en application ne sont pas connues. Néanmoins, le Premier ministre a annoncé, dans son discours, plusieurs mesures qui frapperont les retraités, à moins que les résistances ne contraignent le gouvernement à reculer :
- le gel des pensions de retraite et de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA)
- le gel du barème de l’impôt sur le revenu et de la CSG, qui ne seraient pas non plus indexés sur l’inflation ;
- et la suppression de l’abattement fiscal sur les revenus de 10 % (plafonné à 4 399 euros par foyer), qui devrait être remplacé par une déduction forfaitaire de 2 000 euros par personne.
Les trois mesures, si elles sont votées et appliquées, auront des conséquences sur le niveau de vie des ménages concernés. Les deux dernières diminueraient leur revenu disponible après la razzia du fisc. Quoiqu’en dise François Bayrou, qui assure qu’il n’y aura pas « de baisse des pensions de retraite », elles baisseraient par les effets conjugués de l’inflation et de l’impôt. L’argument du Premier ministre, qui s’en tient au montant de la pension inscrit sur le papier, relève du sophisme.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu et la suppression de l’abattement fiscal rendraient mécaniquement éligibles à cet impôt et à la CSG des retraités qui n’y sont pas assujettis aujourd’hui. Certains aussi passeraient dans la tranche d’imposition supérieure, ou verraient augmenter leur taux d’imposition à la CSG.
Au mois de décembre dernier, le gouvernement Barnier avait fait savoir, en s’appuyant sur une étude de l’OFCE (l’Observatoire français des conjonctures économiques, attaché à Sciences-Po) que si le gel du barème s’était appliqué en 2025 sur les impôts de 2024, il se serait traduit par une augmentation d’impôt pour près de 18 millions de foyers et aurait rendu imposable 380 000 foyers modestes.
D’autre part, dans une note publiée le 18 juillet 2025, Pierre Madec, économiste à l’OFCE, a calculé que le remplacement de l’abattement fiscal de 10 % par l’abattement forfaitaire de 2 000 euros provoquerait une hausse de l’impôt sur le revenu pour 5,2 millions de ménages (contre 1,5 million qui le verraient baisser). Selon ses estimations, les conséquences du gel des pensions de retraite et de celui du barème de l’impôt sur le revenu frapperaient notamment les retraités seuls ou les couples de retraités. « En euros, ces pertes seraient croissantes avec le revenu des ménages, allant de 100 euros environ pour les retraités seuls appartenant aux 10 % de retraités les plus modestes à près de 1 000 euros pour les couples de retraités appartenant aux 10 % de retraités les plus aisés », écrit Pierre Madec.
Au-delà de ces estimations, il apparait une fois de plus que les retraités sont les otages de l’État, qui s’est emparé de la gestion des retraites et, incapable de les gérer correctement, décide, à son gré, tantôt de revaloriser les pensions au-delà de ce que l’état des finances permet (5,3 % en 2024, largesse non financée), tantôt de décréter une « année blanche ». La lecture des rapports officiels, comme ceux du Conseil d’orientation des retraites, montrent que les mesures annoncées par François Bayrou étaient en gestation depuis longtemps, les pensions de retraite devant servir de mesures d’ajustement pour tenter de rattraper le dérapage incontrôlé et irresponsable de la dépense publique (on voit aujourd’hui à qui finit par coûter la politique du « quoi qu’il en coûte »). Ainsi l’État prend-il la main sur le contenu du portefeuille des retraités infantilisés, auxquels il distribue leur argent de poche selon son bon vouloir.
Toutefois, il est encore possible de faire obstacle à ces projets spoliateurs, qui ne seront votés qu’au mois de septembre. Sauvegarde Retraites s’y emploiera avec l’appui de tous ses membres.