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Gérard Maudrux (CARMF) : les caisses doivent rester pilotées par les élus !

Un décret publié en urgence écarte de sa réélection le président de la CARMF (Caisse de Retraite des Médecins de France) car il dérange les hauts fonctionnaires et les syndicats.

Président de la Caisse de Retraite des Médecins de France (CARMF), Gérard Maudrux aurait dû être réélu à ce poste le 12 septembre. Mais le 23 juillet dernier, au mépris de la « démocratie sociale », le ministère des Affaires sociales a publié en urgence un décret afin d’écarter ce président qui dérange à la fois les hauts-fonctionnaires et les syndicats. Sauvegarde Retraites lui a demandé de préciser les enjeux qui se cachent derrière cette mesure.
Sauvegarde Retraites : Gérard Maudrux, que prévoit ce décret ? Que change-t-il ?

Gérard Maudrux : Il concerne la composition des conseils d’administration des sections de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales, (CNAVPL), qui fédère les dix caisses de retraite des professions libérales (1). Dans la version initiale, il interdisait aux retraités de présider une caisse (je suis le seul concerné !). Le conseil d’Etat, saisi par nos soins, a retoqué cette mesure qui introduisait une discrimination entre les administrateurs élus d’une même caisse. Comment justifier, en outre, que les retraités ne puissent pas présider les conseils d’administration des caisses sociales, quand les présidents du Conseil constitutionnel, du Conseil d’Etat, de la Cour des comptes, de l’Assemblée nationale et du Sénat sont tous retraités de leur corps d’origine ?

En revanche, le conseil d’Etat a maintenu un autre verrou posé par le décret, à savoir, la limitation de la durée maximale de la présidence à trois mandats de trois ans, soit neuf ans au total. Là encore je suis le seul concerné, et cela n’existe ni dans les autres caisses sociales, ni chez les politiques : le président du Conseil d’Etat, M. Jean-Marc Sauvé, a été nommé par le conseil des ministres en octobre 2006, voilà donc bientôt 9 ans, et personne ne lui demande de démissionner, même chose à la Présidence du Conseil Constitutionnel.

Enfin, le décret interdit aux anciens présidents de caisse d’être suppléants à la CNAVPL, afin de nous empêcher d’aider les nouveaux titulaires. Il faut croire que l’expérience, l’ancienneté et la compétence dérangent… Cette mesure est elle aussi discriminatoire, car les élus des syndicats pourront siéger au conseil d’administration de la CNAVPL, même s’ils ont précédemment présidé une caisse.

Comment s’explique ce refus de mettre à profit l’expérience acquise ?

Les hauts fonctionnaires préfèrent avoir affaire à des responsables qui n’ont pas le temps de se familiariser avec les rouages du système. Ce n’est donc plus l’expérience, mais au contraire l’inexpérience qui devient un critère de choix. Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement les présidents de caisse : nous allons aussi devoir changer nos directeurs tous les cinq ou six ans, et la cour des comptes nous reproche de garder nos cadres trop longtemps en place. Au sein des ministères eux-mêmes, les postes changent de titulaires tous les trois à six ans… C’est le triomphe de l’ « inaptocratie », dont a parlé Jean d’Ormesson.

S’agit-il d’un décret « ad hominem », dont le but serait de vous écarter, vous personnellement ? Et si tel est le cas, pourquoi ?

Ce décret a été publié en « urgence », alors qu’il n’y avait pas la moindre urgence de modifier la composition des conseils d’administration, qui fonctionnaient très bien comme cela depuis 70 ans. Mais nous avons remporté les élections au Conseil d’administration de la CARMF, à la présidence de laquelle je devrais être réélu le 12 septembre prochain. Il est donc « urgent » de m’en empêcher ! Quant aux motifs qui expliquent cette volonté de me mettre à l’écart, ils répondent à la fois à une demande des syndicats, qui veulent monopoliser tous les pouvoirs et ne supportent pas mes critiques, et au souhait des énarques, auxquels mon franc-parler déplaît aussi et qui n’ont pas apprécié l’éditorial que j’ai publié en décembre 2014, intitulé « Ebola ou Ena »… Voilà deux ans déjà, ils avaient voulu me censurer en faisant valoir un prétendu « devoir de réserve », et je leur avais répondu que j’avais le droit et le devoir d’informer mes affiliés. Tout ce monde se tient par la barbichette : les cotisations de la plupart des syndicats ne couvrent pas le quart des dépenses, le reste vient des subventions, des fonds alloués pour la formation des cadres, etc. Or, qui paie décide ! Les politiques font rentrer de l’argent par une fenêtre, et le font sortir par une autre : ainsi, L’UNAPL versait 450 000 euros par an à Bygmalion, une somme supérieure au total des cotisations encaissées ! Je dérange, parce que je refuse de rentrer dans ce genre de combines.

Vous êtes seul concerné par la mesure limitant la durée du mandat de président en va-t-il de même des autres mesures ?

Non, l’interdiction faite aux anciens présidents d’être suppléant à la CNAVPL frappe aussi la caisse des chirurgiens-dentistes et des experts comptables. Elle crée aussi une difficulté à la caisse des vétérinaires, dont le futur président n’acceptait d’endosser cette charge qu’à la condition que son prédécesseur puisse le suppléer à la CNAVPL…

Quelles seront les conséquences de ce décret ?

Elles ne seront pas très sensibles dans l’immédiat, puisque nous venons de gagner les élections et que le conseil d’administration de la CARMF ne changera pas de politique. Mais un nouveau pas est accompli vers un dessaisissement progressif du conseil d’administration de ses prérogatives et, à terme, vers l’assujettissement complet de nos caisses, dont l’espace de liberté est de plus en plus réduit. C’est une atteinte à la souveraineté des conseils d’administration et aux principes mêmes de la Sécurité sociale, qui veulent que les caisses soient pilotées par des élus, les électeurs devant avoir toute liberté de choisir leurs dirigeants. Si les syndicalistes et les fonctionnaires y prennent le pouvoir, le Code de la sécurité sociale n’est plus respecté. Par ailleurs, peut-on encore parler de « démocratie » lorsqu’un fonctionnaire peut écarter un élu et casser des élections, en vertu, non pas d’une loi votée par le Parlement, mais d’un simple décret ?

Disposez-vous de recours pour l’empêcher ?

Nous pourrons nous adresser à la Cour européenne de droits de l’homme en montrant que ce décret est contraire au principe de sécurité juridique : nous devons pouvoir mener à son terme le processus électoral en cours, on ne change pas les règles au milieu d’une élection. Mais même si nous avons gain de cause, je ne serai plus président car le recours n’est pas suspensif.

(1) Carmf, Carpv, Cipav, Cavamac, Cavom, Cavec, Cavp, Carpimko, CRN et Carcdsf.


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