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Pourquoi les salariés du privé feront les frais de la fusion AGIRC-ARRCO

Depuis la signature du nouvel accord Agirc Arrco qui entérine la fusion des deux régimes, le 17 novembre 2017, les salariés du privé savent à quelle sauce ils vont être mangés.

Selon l’Agirc et l’Arrco, la fusion annoncée pour le 1er janvier 2019 « constitue une garantie forte » pour les retraites « d’aujourd’hui et de demain » et « apportera aussi plus de simplicité, de lisibilité et d’efficacité ». Au reste, nous est-il affirmé dans un document « Questions / Réponses », que « pour 80 % des salariés (tous les salariés non cadres ne cotisent qu’à l’Arrco), la fusion des régimes ne changera rien. »

Voire. Le nouvel accord s’inscrit dans la suite de celui du 30 octobre 2015.

Or cet accord de 2015, que confirme celui du 17 novembre, a introduit plusieurs nouveautés qui concernent aussi bien l’ARRCO que l’AGIRC en particulier :

  • l’instauration en 2019, sous la dénomination de « coefficient de solidarité » d’un malus de 10 % frappant pendant trois ans les pensions liquidées à la date du taux plein (avec une limite d’âge fixée à 67 ans). Les affiliés remplissant les conditions du taux plein (à l’exception de ceux qui sont exonérés de CSG et de quelques autres cas) devront donc retarder d’un an leur départ s’ils ne veulent pas voir leur pension amputée. De la sorte, pour un retraité du secteur privé, l’âge de départ minimal pour partir avec le taux plein est reporté de facto à 63 ans.

Pendant ce temps, un million de fonctionnaires appartenant à la catégorie « active » peuvent s’ils le souhaitent partir à 52 ans et les agents des entreprises publiques à un peu plus de 50 ans.

  • La possibilité donnée aux organisations patronales et syndicales qui gèrent les complémentaires du privé sous la tutelle de l’Etat, de baisser les pensions déjà liquidées en cas de besoin. L’Agirc et l’Arrco jurent leurs grands dieux qu’elles ne le feront pas. Mais elles rappellent, par ailleurs, la « règle d’or selon laquelle les réserves doivent à tout moment dépasser l’équivalent de 6 mois de prestations sur un horizon de 15 ans ». Si cette « règle impérative » ne pouvait être respectée, les « partenaires sociaux prendraient les mesures d’ajustement nécessaires en s’appuyant sur les trois leviers dont ils disposent : montant des cotisations, ou des prestations ou sur l’âge de départ, comme ils l’ont fait par le passé chaque fois que cela a été nécessaire. »

Or, le texte de l’accord stipule que « dans le cadre d’une future absorption, la Fédération dont l’effectif de membres adhérents et participants est le moins important [autrement dit, l’AGIRC] apporte l’ensemble des biens, droits et obligations, actifs et passifs à la date du 31 décembre 2018, sans exception ni réserve, à la Fédération dont l’effectifs de membres adhérents et participants est le plus important [autrement dit, l’ARRCO]. ». Sachant qu’en 2016, le déficit de l’AGIRC a atteint 2,7 milliards d’euros, tandis que l’ARCCO n’était excédentaire que de 455 millions d’euros, il n’est pas nécessaire d’être sorti de l’ENA pour comprendre que le nouveau régime sera déficitaire.

Jusqu’à présent, l’impossibilité de baisser les pensions déjà liquidées était considérée comme un principe intangible (en dépit des coups de rabot essentiellement fiscaux – CASA, CSG – qui permettaient de les rogner). Ce n’est plus le cas. Les retraités sont donc prévenus.

  • Enfin, le nouvel accord prévoit que la date de revalorisation de la valeur de service du point – autrement dit, des pensions – sera reportée du 1er avril au 1er novembre. (Rappelons que l’accord d’octobre 2015 a prévu d’indexer la revalorisation des pensions un point au-dessous de l’inflation).

Concernant les cotisants

Les salariés cotisants à l’ARRCO seront également touchés, de plusieurs façons.

  • La contribution d’équilibre technique (CET), au taux de 0,35 %, qui n’était jusqu’à présent prélevée que sur les cadres, le sera sur tous les salariés dont le salaire brut dépasse le plafond de la sécurité sociale (3 311 euros par mois en 2018). Elle n’engendre, elle non plus, aucun droit.
  • L’accord institue, « dans une perspective de financement des opérations du régime », une nouvelle « contribution d’équilibre général » (CEG), en fusionnant la cotisation GMP (garantie minimale de points) avec la cotisation AGFF.
  • Jusqu’à présent, cette cotisation GPM s’applique uniquement aux cadres (AGIRC) dont les salaires avoisinent le plafond de la sécurité sociale, en leur ouvrant droit à des points retraite supplémentaires.

    Quant à l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF), c’est un organisme paritaire créé en 2001 pour financer les retraites anticipées à l’AGIRC et à l’ARRCO. Son existence – et par conséquent celui de la cotisation – est négocié entre les « partenaires sociaux » tous les deux ans.

    La CEG, en revanche, ne sera plus une cotisation, mais une contribution, pérenne (à l’inverse de l’AGFF) et étendue à l’ensemble des affilés de l’ARRCO et de l’AGIRC (à la différence de la GMP). Par ailleurs, le taux appliqué au titre de la CEG sera plus élevé que ne l’était celui de l’AGFF (2,15 % au lieu de 2 % sur la tranche 1 et 2,7 % au lieu de 2,2 % sur les tranches 2, B et C). Il s’agit donc encore d’une hausse de cotisation.

    Le bénéfice pour le « nouveau » régime de retraite complémentaire issu de la fusion est d’autant plus complet que ni l’augmentation du taux d’appel, ni la CET, ni la CEG n’ouvriront de nouveaux droits. Pour les affiliés, ces hausses de cotisations s’opèreront à fonds perdu mais en réalité, ces fonds ne seront pas perdus pour tout le monde.

    Pour mémoire, une étude confidentielle demandée par les organismes gestionnaires (syndicaux et patronaux) aux services techniques de l’AGIRC et de l’ARRCO a montré que les mesures inscrites dans l’accord d’octobre 2015 et confirmées par celui du 17 novembre dernier conduiront à une diminution des pensions de 9% en quinze ans, et à une baisse du rendement significative : pour 100 euros cotisés, on passerait de 7,25 euros de pension en 2018 à 5,77 euros en 2033.

    Les cotisants et retraités du secteur privé n’ont donc pas fini de payer – loin s’en faut ! – le refus des politiques, de droite comme de gauche, de réaliser une véritable réforme des retraites.


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