Les risques du système « universel »

Au sein d'un futur système de retraite "universel", le maintien des régimes spéciaux, dont la nature diffère des régimes du privé, conforterait l'absence d'équité entre les retraités. 

Emmanuel Macron et Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, ont annoncé la création d’un "régime universel" de retraite, par points. Par ailleurs, ils ont clairement laissé entendre que "universel" ne voulait pas dire "unique" (tandis qu'Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, l’a déclaré de manière explicite).

Le défaut majeur du projet gouvernemental ne tient pas à cela car un régime "unique", de masse - donc, par nature, peu respectueux des libertés personnelles – ne serait pas forcément souhaitable. Non, il provient du probable maintien à venir des régimes spéciaux.

La critique que Sauvegarde Retraites adresse depuis sa création aux régimes spéciaux du secteur public ne se fonde pas seulement sur leur particularité, mais aussi sur leur fonctionnement, ou plutôt sur leur dysfonctionnement.

En effet, leur nature diffère fondamentalement de celle des régimes du privé. Ils ne procèdent en aucun cas d’une logique assurantielle, ou même de sécurité sociale, mais d’un système déguisé de traitement à vie financé par l’impôt, les « cotisations » à ces régimes étant, dans les faits, fictives. Les avantages « retraite » considérables qu’ils offrent aux agents publics sont donc payés par l’impôt. Non seulement rien n’est provisionné, ni géré, mais les dépenses sont prévues et réalisées sans aucune considération des recettes, ni des réalités économiques, creusant ainsi le déficit et la dette publics. On part du principe que l’intendance suivra à l’arrivée, ce sont les contribuables d’aujourd’hui et de demain qui en font ou feront les frais.

On ne peut pas envisager une vraie réforme de fond du système de retraite français sans aborder cette question des régimes spéciaux du secteur public : elle doit être traitée en priorité, d'autant que les réserves des caisses du privé pourraient être bientôt siphonnées.

Parallèlement, il faut souligner - et c'est un point crucial - que ces critiques à l'encontre des régimes spéciaux du public ne s’adressent pas à certains régimes du privé :

  • le régime spécial des clercs et employés de notaire ;
  • la CNAVPL, qui regroupe les caisses des professions libérales
  • la Caisse nationale des barreaux français, propre aux avocats.

Ces caisses sont vraiment financées par les cotisations de leurs affiliés et gérées par des administrateurs élus par ces derniers. Grâce à une gestion responsable, elles disposent de réverses substantielles, qui font défaut au régime général (CNAV), géré par l’État. Ajoutons qu’elles fonctionnent par points, comme les régimes complémentaires des salariés du privé (AGIRC et ARRCO), qui disposent elles aussi d’importantes réserves. En outre, elles sont au service des affiliés, contrairement à ce qui se passe à la CNAV car la gestion de masse n’est synonyme ni de bonne gestion, ni d’humanité.

L’absence d’équité dans le domaine des retraites français ne découle donc pas de l’unicité ou non du système, mais du maintien de régimes de natures différentes au sein d’un même système.

De ce fait, la mise en place d’un système "universel" annoncé par Emmanuel Macron et Jean-Paul Delevoye présente un double risque :

  • d'une part, le maintien de régimes de natures différentes au sein du nouveau système : c’est ce qui se dessine à travers les négociations collectives préparant la future convention collective des agents de la SNCF
  • d’autre part, l’intégration dans le système "universel" des régimes du secteur privé qui n’étaient pas, jusqu’à présent, sous la coupe de l’État - en dépit des efforts de l’Administration pour s’immiscer dans leur gestion - permettra à cet État « cigale » de poser la patte sur les réserves constituées par ces caisses « fourmis », sans aucune garantie de retour.

Au contraire, ces réserves importantes (22 MM d'€ pour les complémentaires de la CNAVPL, 71 MM d'€ pour l’AGIRC-ARRCO…) seront englouties dans le gouffre des pensions, non provisionnées, du secteur public. Autrement dit, la cigale confisque leurs économies aux fourmis ainsi placées sous sa tutelle, en leur expliquant qu’elle les gérera mieux. Ce que tout son passé dément.


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