Messieurs les sénateurs, réformez-vous en premier !

Les sénateurs ont voté un amendement repoussant l’âge de départ et accélérant l’allongement de la durée de cotisation. Avant de demander des efforts aux Français, qu’ils renoncent à leurs privilèges exorbitants !

Les sénateurs - qui bénéficient de l’un des plus généreux régimes spéciaux de la République - ont voté, le 14 novembre, un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale, déposé par leur collègue René-Paul Savary (LR). Si l’Assemblée nationale l’adopte à son tour, il reculera l’âge légal du départ à la retraite à 63 ans et accélérera l’allongement de la durée d’assurance nécessaire pour accéder à une pension à taux plein, qui serait portée à 43 annuités à partir de la génération 1965. Nous voilà loin de la « retraite à la carte » envisagée un temps par l’ex-haut-commissaire à la réforme Jean-Paul Delevoye !

À défaut de ne rien régler durablement, ces expédients permettent de limiter dans l’immédiat un déficit qui s’annonce abyssal en raison de la crise économique consécutive aux confinements. En l’absence d’une véritable réforme du système de retraite, le recours à ce type de mesures paramétriques, douloureuses, ne pourra probablement pas être évité. Encore faudrait-il, pour qu’elles paraissent légitimes, que ceux qui les décident donnent eux-mêmes l’exemple de la rigueur. Nous en sommes loin ! Les sénateurs demandent de nouveaux efforts aux Français, mais n’envisagent a priori pas d’en consentir eux-mêmes.

Certes, les sénateurs ont accepté de faire quelques efforts pour amuser la galerie :

  • l’âge de départ et la durée de cotisation ont été alignés sur ceux du "vulgum pecus" ;
  • le système de double cotisation, qui leur permettait de bénéficier d’une retraite à taux plein après seulement 23 années de mandat, devenu indéfendable devant l’opinion publique, a été supprimé.

Mais ils ont conservé les principaux avantages de leur super-régime spécial :

  • un rendement exceptionnel du régime de base (près de 6 € de pension pour 1 € cotisé, contre 1 à 1,5 € pour la moyenne des Français)
  • un délai de rentabilité hors normes, puisqu’il suffit de trois ans de prestations perçues pour couvrir la totalité des cotisations versées
  • un taux de remplacement supérieur à leur indemnité (pour une carrière complète) ;
  • une réversion de 60 % de la pension, sans plafond ni conditions de ressources.
  • Et surtout, pour contrebalancer le « sacrifice » de leur ancien système de cotisation double, ils se sont adjugés en 2010 un nouveau régime spécial à l’intérieur de leur régime spécial, qui leur permet de doubler la cotisation pour ouvrir de nouveaux droits.

En somme, fini la double cotisation, vive la cotisation double ! Il faut toutefois noter un changement important : à l’inverse de l’ancien, le nouveau système est complètement opaque. Il relève du secret-Sénat !

Si les Français sont appelés à faire de nouveaux efforts pour financer leurs régimes de retraite, la moindre des choses serait que ceux qui les leur demandent montre l’exemple. Messieurs les sénateurs, réformez-vous les premiers !


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