La Covid pour faire oublier la réforme

L’épidémie de Covid a représenté une véritable aubaine pour le Président de la République, qui, grâce à elle, a trouvé un alibi pour renoncer à la réforme de fond du système de retraite.

On oublierait presque que la réforme structurelle du système français de retraite était la principale mesure de campagne du candidat Emmanuel Macron en 2017. Dans l’entretien fleuve du président de la République avec des lecteurs du Parisien, publié par ce quotidien le 5 janvier dernier, le mot « retraite » n’est même pas prononcé. Le projet-phare a disparu dans les brumes d’une élection présidentielle que le président-candidat semble axer essentiellement sur l’épidémie de covid.

Dès l’origine, le projet de réforme était d’ailleurs très inférieur à ce qu’Emmanuel Macron avait pu laisser espérer en prétendant réaliser l’équité entre tous les Français. Dans le meilleur des cas, il prévoyait la fermeture complète des régimes spéciaux de retraite à très longue échéance – lors du départ à la retraite des agents publics embauchés à partir de 2025 – et leur extinction bien plus tard encore. Les négociations du Premier ministre de l’époque, Edouard Philippe, avec les syndicats du secteur public, et les compensations qu’il leur avait accordées, avaient achevé de vider le projet de son peu de contenu.

Eclatant en mars 2020, juste après l’adoption en première lecture du projet de loi par l’Assemblée nationale, la crise sanitaire fournit alors au gouvernement l’occasion de l’abandonner, à titre temporaire d’abord, puis définitivement. Le 3 juin 2021, Emmanuel Macron déclara que la réforme adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en mars 2020, « très ambitieuse, extrêmement complexe » et « porteuse d’inquiétudes », ne pourrait pas « être reprise en l’état ». Une autre réforme verrait le jour, une fois la crise sanitaire réglée.

L’épidémie a ainsi procuré au Président de la République un alibi idéal pour temporiser et ne rien faire.

Pourtant, le pays a moins que jamais les moyens de cette inertie politique. Non seulement les retraites demeurent le premier poste de dépenses de l’Etat (près de 330 milliards, plus du quart de la dépense publique), mais elles s’ajoutent à l’explosion de la dette publique (2 834,3 milliards d’euros au troisième trimestre 2021, contre 2 380,1 milliards à la fin de l’année 2019), consécutive à la politique du « quoi qu’il en coûte » mise en œuvre par Emmanuel Macron. (Cet « argent magique » coûterait particulièrement cher aux Français dans le cas d’une remontée des taux d’intérêts.)

Une véritable réforme de fond du système aurait atténué la menace que cette situation économique périlleuse représente pour la retraite des Français. Mais, au contraire, la Covid a donné au Président de la République l’occasion de l’enterrer provisoirement, sans qu’aucune solution soit apportée. Le problème du financement des retraite reste donc entier et s’imposera comme une réalité écrasante au prochain Président de la République, qu’il s’agisse d’Emmanuel Macron ou d’un autre candidat à cette fonction.

Le recul de l’âge de départ, auquel certains d’entre eux envisagent de recourir, permettra de gagner du temps, mais le manque d’équité entre les retraités s’en trouvera aggravé (de nombreux agents publics continuant à partir plus tôt), sans et le déficit structurel des régimes spéciaux soit résolu. Il continuera à être financé, via l’impôt, par les affiliés aux régimes du privé, qui auront consenti le plus d’efforts. Et l’on s’apercevra finalement que le temps « gagné » pour tenter de prolonger le système sans le modifier, n’aura été que du temps perdu avant d’engager la vraie réforme, inéluctable.


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