Retraites des fonctionnaires : le grand bazar

Pour la Cour des comptes, la suppression du régime des fonctionnaires serait... trop compliquée. Encore une manière de protéger le régime spécial !

Le serpent de mer de la suppression des régimes spéciaux continue à nager en eaux troubles. Tandis que certains candidats à la présidentielle évoquent la suppression du régime de la fonction publique, la Cour des comptes semble prendre les devants pour enterrer l’idée.

L’argument est simplissime : ce serait trop compliqué ! C’est en substance ce qu’avancent les magistrats de la rue Cambon dans un rapport paru en octobre 2016.

La Cour l’écrit noir sur blanc :

- « Les données de carrière nécessaires au calcul des pensions selon les règles du secteur privé sont indisponibles »

- L’alignement du public sur le privé serait complexe en raison de « l’absence de données nécessaires à la reconstitution des droits à pension des fonctionnaires pour faire comme s’ils avaient été affiliés au régime du secteur privé dès leur entrée dans la fonction publique ».

Bref, le grand bazar de la gestion du régime spécial des fonctionnaires serait le meilleur protecteur dudit régime spécial ! L’opacité rend de grands services, semble-t-il… L’argument est ubuesque quand on sait que les carrières des fonctionnaires sont généralement tout ce qu’il y a de plus linéaires. Que l’on ne puisse reconstituer précisément les carrières ni les droits, voilà qui est fort de café.

Pour faire bonne figure, la Cour avance tout de même quelques idées de réformettes paramétriques du régime, préconisant notamment de supprimer le système de bonifications pour les nouveaux fonctionnaires. Tant qu’à faire, pourquoi ne pas supprimer le régime lui-même pour les nouveaux fonctionnaires ?

Il semblerait que l’on manque d’imagination rue Cambon – ou faut-il expliquer ces timidités par le fait que les magistrats et les rapporteurs, appartenant à la haute fonction publique, bénéficient eux-mêmes du régime spécial ? (1) Comme d’habitude, on sacrifie l’accessoire pour conserver l’essentiel, c’est-à-dire une rémunération à vie payée par le contribuable. Combien de temps la collectivité devra-t-elle encore supporter un tel poids financier ?

Pour couronner le tout, le rapport souligne également que la Direction générale des finances publiques est incapable de calculer les charges de gestion du régime, par défaut de comptabilité analytique. On croit rêver devant un tel "bazar", lequel mériterait de constituer un élément majeur du débat public dans le cadre des prochaines échéances électorales. Si les politiques veulent bien s’en donner la peine. Et surtout tenir ensuite leurs engagements…

(1) Parmi ces hauts-fonctionnaires figure François Hollande. Selon des chiffres fournis par l’Elysée en décembre 2014, l’actuel président de la République percevra 3 473 euros net mensuels au titre de sa retraite de conseiller référendaire de la Cour des comptes, dont il est « détaché » depuis longtemps. Intégré comme auditeur à sa sortie de l’ENA en 1980, il devint chargé de mission à l’Elysée dès 1981 et directeur de cabinet de Max Gallo, porte-parole du gouvernement de Pierre Mauroy en 1983. Ce qui ne l’empêcha pas d’être nommé en 1984 conseiller référendaire à la Cour des comptes, où se poursuivait sa carrière fictive. Le détachement de nos politiciens fonctionnaires ne s’étend pas aux biens de ce monde…


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