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Alain Chrétien, un député qui veut supprimer le régime spécial des députés

Le maire de Vesoul et député LR de la Haute Saône expose sa méthode pour parvenir à la suppression de tous les régimes spéciaux.

Député LR de la Haute-Saône et maire de Vesoul, Alain Chrétien a été nommé en juin 2016 à la Commission des finances de l’Assemblée nationale. Rapporteur spécial sur les pensions de l’Etat et les régimes sociaux et de retraite, il a introduit en annexe au Projet de loi de finances pour 2017 un rapport préconisant la suppression des régimes spéciaux. Il a exposé à Sauvegarde Retraites sa méthode pour y parvenir.
Sauvegarde Retraites : Qu’est-ce qui vous a conduit à prôner la suppression des régimes spéciaux, dans le rapport spécial annexé au Projet de loi de finances (PLF) ?


Alain Chrétien : Nous sommes tous égaux face à la vieillesse et nous devons tous avoir des droits minimums identiques. Il me paraît donc nécessaire qu’une équité de traitement soit établie entre tous les Français par rapport à la retraite. Est-il normal que, comme l’a rapporté la Cour des comptes, des aides-soignantes ayant exercé le même métier et accompli le même travail ne perçoivent pas la même retraite selon qu’elles travaillent dans le secteur privé ou dans le public, en raison de règles de calcul différentes ? Nous devons réfléchir à l’instauration d’un grand service public de la retraite et à un rapprochement progressif de l’ensemble de nos caisses. C’est pourquoi, lorsque j’ai été nommé rapporteur spécial sur le budget loi de finances 2017, j’ai souhaité que figure dans ce rapport la suppression des régimes spéciaux de retraite, en y incluant celui des parlementaires.


"Créer une caisse de retraite des agents de l'Etat"


S. R. : Que proposez-vous, concernant ce régime ?


A.C. : Je souhaite que les députés soient affiliés à la caisse de retraite des agents de l’Etat, qui pour l’instant n’existe pas mais qui doit être créée. Le régime de retraite des députés est largement déficitaire. En 2015, il s’élevait à 63 millions d’euros, couvert à plus de 60 % par une subvention d’équilibre de 40 millions d’euros prélevée sur le budget de l’Assemblée nationale (en plus de la cotisation patronale) et donc financée par les contribuables. Concrètement, sur 1 000 euros que je percevrai à la retraite après avoir été député cinq ans, 600 euros seront payés par les contribuables. Est-ce légitime ? Il en va de même des régimes de retraite des agents de l’Etat, de la SNCF ou de la RATP, dont les budgets sont eux aussi équilibrés par une subvention de l’Etat et non par les cotisations, comme ce devrait pourtant être le cas.

"Il faut poser la question de la légitimité des régimes dérogatoires "


S.R. : La création d’une caisse de retraite des fonctionnaires de l’Etat suppose que les cotisations des fonctionnaires deviennent réelles. Pour l’instant, elles se réduisent à des jeux d’écriture…


A.C. : En effet, puisque l’Etat est son propre assureur et l’assureur vieillesse de ses ressortissants. Une première étape a toutefois été franchie en 2006, avec la création du Compte d’affectation spéciale. Il faut aller plus loin et poser la question de fond, celle de la légitimité des régimes dérogatoires, qu’il s’agisse de ceux de la Fonction publique ou des autres régimes spéciaux.


S.R. : Comment envisagez-vous pratiquement la mise en place de ces réformes, notamment si elles butent sur des blocages syndicaux ?


A.C. : Je ne crois pas au « big bang » des retraites, au passage du jour au lendemain à un régime unique par points : les techniques informatiques, les modes de calcul, les habitudes diffèrent tellement d’un régime à l’autre que l’on ne créerait que des problèmes, sans trouver de solution. Je suis plutôt favorable à un rapprochement, une agrégation progressive de l’ensemble des régimes, en créant d’abord la caisse de retraite des agents l’Etat, à laquelle seront adossées les retraites des parlementaires et qui sera ultérieurement fusionnée avec un régime général unique. Les régimes complémentaires obligatoires par points seront eux aussi fusionnés à terme avec ce régime général – ce qui pose la question du paritarisme. La réalisation d’une telle réforme demandera sans doute vingt ans et nécessitera une continuité politique, un consensus transpartisan pour que le travail réalisé ne soit pas remis en cause à chaque changement de majorité.
" Réformer la Constitution en y introduisant la règle de l’équilibre des finances publiques "


S.R. : Comment pensez-vous y parvenir ?


A.C. : Premier principe : avant d’imposer des réformes aux autres, commence par te les appliquer à toi-même ! La classe politique doit réformer en profondeur son fonctionnement, en réduisant le nombre des députés et des sénateurs, en rendant leur rémunération plus transparente et en supprimant le régime spécial des parlementaires, pour commencer. Ce n’est qu’une première étape : supprimer uniquement la retraite des députés pour satisfaire à la démagogie ambiante serait du populisme mais si, par souci d’égalité, nous voulons supprimer l’ensemble des régimes spéciaux, nous devons commencer par réformer le nôtre propre. Les adversaires d’une réforme plus générale éprouveront beaucoup plus de difficulté à la bloquer, si ceux qui la préconisent ont été les premiers à se l’appliquer. Un deuxième principe visera à donner un objectif de garantie des retraites de long terme pour que la retraite ne soit plus une inquiétude, en garantissant à chacun un niveau de retraite minimal et en créant des mécanismes de rééquilibrage anticipateurs. C’est la première étape.

S.R. : Sauvegarde Retraites propose d’interdire le déficit dans la gestion des retraites. Qu’en pensez-vous ?


A.C. : C’est la deuxième étape. Elle consistera à réformer la Constitution en y introduisant la règle de l’équilibre des finances publiques. Cette règleen intégrant ce dernier dans une loi de programmation des finances publiques sociales et en y introduisant une sous-partie consacrée aux retraites (le budget de la retraite serait ainsi voté chaque année par les parlementaires). Ainsi, tout se décline : l’objectif d’équilibre part de la Constitution et redescend jusque dans les principaux projets de loi de finances et de financement des dépenses publiques, la loi de programmation pluriannuelle précisant les objectifs à fixer. C’est donc toute une architecture législative qu’il faut revoir et qui doit reposer sur un consensus politique autour de la nécessité de l’équilibre budgétaire. devra être traduite dans le PLF et dans le PLFSS,

Enfin, la troisième étape verra la création d’un Coordinateur national des retraites, nommé par le gouvernement pour un mandat de dix ans – parce que la réalisation des réformes demande beaucoup de stabilité – et approuvé par les deux chambres, qui aura pour objectif de favoriser le consensus nécessaire au rapprochement des différentes caisses et devra rendre des comptes chaque année dans le PLFSS.


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