Jean-Paul Delevoye : vers un « consensus » mou ?

Le report de la réforme des retraites met en lumière le nouveau Haut-Commissaire aux retraites, homme de consensus passé maître dans l’art de ne pas faire de vagues.

Au mois de septembre dernier, la nomination de Jean-Paul Delevoye comme Haut-Commissaire aux retraites n’avait pas fait couler beaucoup d’encre. L’annonce du report de la réforme des retraites fait ressurgir dans l’agenda médiatique cet homme réputé pour son goût du compromis et son appétence pour le consensus.

En effet, le report de la réforme à 2019 a été en partie motivé par la volonté de cet ancien Médiateur de la République et Président du CESE de prendre le temps de la consultation. Chiraquien historique et désormais adepte de la Macronie douce, Jean-Paul Delevoye semble bien être l’homme idoine si Emmanuel Macron souhaite faire traîner les choses.

Donner du temps supplémentaire au Haut-Commissaire est une chose reste à savoir si ce temps sera mis profit pour une réforme en profondeur. Pour le moment, les éléments de langage de Jean-Paul Delevoye ne vont pas dans le sens du franc-parler : surtout ne rien dire qui puisse fâcher qui que ce soit. Voilà sa ligne de communication. Dire qu’un Euro cotisé « donnera les mêmes droits pour tous » ne mange pas de pain tant que l’on ne se prononce pas concrètement sur l’architecture du futur système de retraites.

C’est ici que règne un certain flou artistique consensuel : Monsieur Delevoye annonce souhaiter « porter quelque chose de positif » et annonce sa foi en « une solidarité collective qui est plus nécessaire que jamais ». Langue de bois quand tu nous tiens… Quid des régimes spéciaux ? Quid de la liberté de choix des affiliés ? Quid de l’équité ? Quid des pensions du privé de plus en plus fragilisées et rabotées ?

Il n’en dit rien, attendant sa consultation des « partenaires sociaux ».

Des « partenaires sociaux » que le Haut-Commissaire connaît particulièrement bien puisqu’il fut à la tête d’une institution, le CESE, dont l’une des caractéristiques est de distribuer des rentes de situation à des syndicalistes professionnels. Quant aux fonctionnaires, directement concernés par la suppression éventuelle des régimes spéciaux, il fut leur ministre pendant deux ans, sous l’ère Chirac. Bref, le casting ne manque pas de susciter des doutes quant à la capacité de Monsieur Delevoye à renverser la table.

A noter cependant qu’il est l’un des rares caciques de la vie politique à ne pas être issu lui-même de la fonction publique, mais du secteur privé, avant d’embrasser une longue carrière politique : maire pendant 20 ans, conseiller général pendant 21 ans, sénateur pendant 10 ans, député pendant deux ans, avant de devenir Médiateur de la République (7 ans), puis Président du CESE (5 ans). A ce titre, Jean-Paul Delevoye cumule au minimum 5 régimes de retraites, dont trois régimes spéciaux particulièrement avantageux (sénateurs, députés et bien sûr CESE).


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