Grande vieillesse : pour l'Etat, la solution, c'est l'impôt !

Comment financer la grande vieillesse et la perte d’autonomie quand on n’a pas le courage de réaliser une véritable et nécessaire réforme des retraites ? Bon sang, mais c’est bien sûr : en augmentant les impôts !

Le 7 août 2020, en plein cœur de l’été, ont été votées deux lois « relatives à la dette sociale et à l’autonomie », qui ont créé une cinquième branche de la Sécurité sociale, afin de mettre en place une politique de soutien à l’autonomie des personnes âgées ou handicapées.

Rappelons qu’à l’origine, les systèmes de retraite avaient été créés justement pour secourir les personnes devenues incapables de subvenir à leurs propres besoins, et non pour permettre à certains quinquagénaires en bonne santé de prendre des vacances prolongées et payées par l’ensemble des actifs – répartition oblige ! En théorie, l’intention paraît donc bonne. Mais en pratique, ce qui est prévu pose quelques problèmes, que la publication d’un épais rapport de 360 pages, remis le 14 septembre dernier, permet de mieux appréhender. L’une des problématiques les plus évidentes concerne le financement de cette nouvelle branche. Elle sera gérée par l’actuelle Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), dont le périmètre d’action augmentera – et par conséquent, les besoins de financement aussi : il est prévu qu’ils passent de 27 MM d'€ à 42 MM d'€. Une partie du rapport est donc consacrée aux mesures de financement. La lettre de mission remise par le gouvernement aux rapporteurs leur demandait d’identifier « des sources de financement à mobiliser prioritairement pour couvrir la réforme du Grand âge à compter de 2021 », fixées conventionnellement à 1 MMd'€ dès 2021 et 3 à 5 MM d'€ d’ici à 2024. Ils émettent à cette fin plusieurs propositions. En premier lieu, il pourrait être procédé à des transferts entre les différentes branches de la Sécurité sociale. Mais ces jeux de vase communicants ne suffiront pas. Et quand l’Etat a besoin d’argent public, on sait qu’il va le chercher dans les poches du privé. Diverses mesures concernent les actifs. Voici celles qui frappent les retraités.

1. Premièrement, des réductions de « niches sociales et fiscales », habillage hypocrite pour signifier que jusqu’à présent l’Etat a été bien bon de ne pas vous racketter plus qu’il ne le faisait, mais que ça pourrait changer. Plusieurs "pistes" sont évoquées :

  • Supprimer le bénéfice de l’exonération totale de cotisations patronales pour le recours aux services d’aide à domicile aux personnes âgées qui qui sont autonomes.
Pour l’instant, cette mesure bénéficie à toutes les personnes de plus de 70 ans. Ce pourrait ne plus être le cas. « Une suppression de la possibilité de bénéficier de l’exonération du seul fait de l’âge aurait un rendement net de 180 M€ », précise le rapport. Autrement dit, 180 M d'€ de charges sociales seraient prélevés sur une partie des personnes, jugées autonomes, qui font appel à une aide à domicile. Reste à savoir à partir de quel moment on cesse d’être « autonome ».
  • Abaisser le plafond de la réduction d’impôt au titre des frais de dépendance et d’hébergement pour les personnes âgées accueillies en établissement, EHPAD ou autre.
Les rapporteurs prennent l’équité pour alibi. Cette réduction bénéficie aux personnes imposables. Par ailleurs, les revenus les plus modestes bénéficient de l’aide sociale à l’hébergement et des allocations logement. En revanche, « ce sont les revenus moyens, entre 1 000 € et 1 600 € par mois, qui sont les moins aidés. » La solution va de soi : taxer ceux qui sont au-dessus en abaissant le plafond de la réduction d’impôt de 10 000 € à 5 000 €, ce qui « contribuerait à un meilleur équilibre des taux d’aides en fonction des revenus ». Certes, la situation des « revenus moyens » ne serait pas améliorée mais cette solution procurerait à l’Etat une « économie » de 110 M d'€, sur le dos des retraités imposables. (Dans le lexique de la technocratie, il est admis que l’Etat « dépense » quand il daigne laisser leur argent aux Français et qu’il « économise » quand il le leur prend).

2. Deuxièmement, d’« éventuels » prélèvements obligatoires :

  • porter le taux de CSG sur les retraites à 9,2 %.
La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2018 avait déjà porté le taux normal de CSG de 6,6 % à 8,3 %. Las ! À cause des Gilets Jaunes (ou grâce à eux), l’État a dû partiellement reculer et la loi du 24 décembre 2018 a rétabli le taux de 6,6 % pour les retraités dont le montant de pension est inférieur à 2 000 € nets (en 2019). Le rapporteur s’avise aujourd’hui que l’actuel taux normal de CSG des retraités, à 8,3 %, est inférieur de 0,9 point à celui des actifs (9,2 %), « alors même que la logique de la CSG est de taxer de façon uniforme les revenus, quelle qu’en soit l’origine ». L’équité est un alibi pratique pour taxer toujours davantage les Français, dont l’Etat fait grand cas tant que les régimes spéciaux ne sont pas mis en cause…
  • Supprimer l’abattement de 10 % pour le calcul de l’impôt sur le revenu dont bénéficient les pensions et retraites, ou réduire de moitié le plafond dans la limite duquel il s’applique (1 925 € au lieu de 3 850 €). En outre, le rapport précise que cette mesure aurait un impact sur les dispositifs fiscaux ou sociaux dont le bénéfice ou le montant dépendent du caractère imposable des personnes ou du revenu fiscal de référence, comme l’APA ou le taux de CSG applicable aux pensions… Pour le fisc, c’est belote et rebelote.
  • Augmenter la non déductibilité de la CSG de l’impôt sur le revenu de 0,4 % pour les retraités redevables de cet impôt au taux de 6,6 %, et de 2,1 % pour ceux assujettis au taux de 8,3 %.
  • Etendre l’assiette de la Contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA) à certaines prestations de retraite qui en sont exonérées (à savoir, celle versées sous forme de rente ou de capital issues d’un plan d’épargne retraite lorsque ces prestations correspondent à des versements volontaires.)
  • Instaurer un prélèvement de 0,8 ou 1 % sur les transmissions de patrimoine.
Cette idée repose sur une note d’analyse de France Stratégies - organisme dépendant du Premier ministre - qui affirme que le patrimoine des Français a été multiplié par trois en trente-cinq ans. Miam-miam le fisc ! En plus, voyez comme ça se trouve, les ménages les plus fortunés ont plus de patrimoine que les autres et ce sont les plus de 70 ans qui en ont le plus profité ! Le rapport note que « le vieillissement de la population conjugué à l’augmentation des prix de l’immobilier ont conduit à une augmentation annuelle du nombre de transmissions » et que « l’âge moyen de l’héritage en ligne directe est de 50 ans, à un moment où les charges des enfants sont moindres. » Les alibis habituels, sont donc réunis pour que l’Etat pompe le patrimoine des Français. Le rapport propose d’instaurer un prélèvement de 0,8 % ou de 1 % sur les transmissions de capital à titre gratuit (transmissions et donations).
  • Créer une nouvelle tranche de 25 % pour les transmissions dont la part taxable se situe entre 284 128 € et 552 324 €.
On voit que nos technocrates ne sont jamais à court d’imagination quand il s’agit de tondre les moutons contribuables. Les recettes de l’Etat sont décidément toujours les mêmes – et elles ont prouvé leur inefficacité. Il existe une autre solution pour régler le problème de la grande vieillesse : réaliser enfin la vraie réforme des retraites qui a été promise (et pas l’ersatz de réforme votée en première lecture au mois de mars). En commençant par supprimer les régimes spéciaux du public, au lieu de racketter davantage les Français, qui sont déjà le peuple le plus imposé d’Europe ! Et en concentrant le financement sur la vraie retraite, au lieu d’offrir des grandes vacances permanentes à des quinquagénaires.

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