Reconfinement : le système de retraite creuse son trou

Le système français de retraites, qui souffrait déjà de comorbidités multiples, va-t-il mourir du coronavirus ? Il importe de prévoir dès à présent la sortie de crise.

Après le premier confinement (qui a duré du 17 mars au 11 mai), le Conseil d’Orientation des Retraites (COR) - organisme au service du premier ministre - avait estimé dans une note publiée le 15 octobre que « le solde du système de retraite se creuserait très massivement et atteindrait 25,4 milliards d’euros » en 2020*. À ce moment, la situation était déjà critique, mais pour rassurer l’opinion, le gouvernement feignait d’espérer un « rebond » de l’économie en 2021.

Avec l’instauration d’un deuxième confinement, ce prétendu rebond n’a plus aucune chance de se produire. En effet, les conséquences du premier vont inévitablement s’aggraver. Elles sont énumérées dans le rapport économique social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2021 publié par le gouvernement au début du mois d’octobre :

  • effondrement de la demande intérieure provoqué par la chute de la consommation des ménages et de l’investissement des entreprises
  • bouleversement des processus de production, désorganisation des chaînes de production et d’approvisionnement
  • recul des exportations
  • faillites de nombreuses entreprises
  • interruption de l’activité d’une partie importante de la population active condamnée au chômage partiel ou complet : selon l’Insee, près de 715 000 emplois salariés ont été détruits au premier semestre 2020 !

Il s’en est suivi un très net recul de la masse salariale du secteur privé (-7,9 %, avant le deuxième confinement !), avec des conséquences directes pour les caisses de retraite, puisqu’en répartition ce sont les cotisations des actifs qui financent les pensions. La diminution de la masse salariale se traduit donc par celle des cotisations prélevées.

Or, parallèlement, les droits à retraite que les caisses doivent honorer sont en augmentation constante, en raison, notamment, de l’arrivée à l’âge de la retraite des générations du baby-boom. (En outre, même avant la crise actuelle, le financement des retraites était déjà compromis par la baisse du ratio entre le nombre des cotisants et celui des retraités, engagée depuis des décennies.)

Telle était la « conjoncture », comme on dit chez les technocrates, au début du mois d’octobre. Dans sa note du 15 octobre, le COR évoquait « un choc économique colossal et sans précédent », marqué par un recul de l’activité de près de 20 % au deuxième trimestre, par rapport à la fin 2019. C’était avant le deuxième confinement, qui est parti pour durer et va achever de mettre l’économie française à genoux. Tout montre qu’on va dans le mur, et le trou des retraites sera beaucoup plus profond que ce qu’annonçait le COR.

Il n’existe malheureusement pas de remède miracle à cette crise d’une ampleur considérable. Depuis le Livre blanc sur les Retraites, publié en 1991 par Michel Rocard, aucun gouvernement, de droite, ni de gauche, n’a osé mettre en chantier la grande réforme systémique qui aurait été nécessaire et pour laquelle Sauvegarde Retraites milite depuis sa création. Les mesures paramétriques qui se sont succédé au fil des ans ont été douloureuses (particulièrement pour les affiliés aux régimes du secteur privé), mais n’ont rien réglé au fond. Le projet de réforme annoncé à son de trompe par Emmanuel Macron, s’est réduit à un déculottage du gouvernement devant les syndicats du public. Le coronavirus est arrivé à point nommé pour permettre au pouvoir de suspendre son mauvais projet de loi sans avoir l’air de trop perdre la face.

La crise survient donc sans que les régimes de retraite soient préparés à l’affronter. Cotisants et retraités en subiront les conséquences, qui, à n’en pas douter, seront cruelles. Mais toutes les crises ont une fin. C’est la sortie de celle-ci qu’il faut préparer, dès à présent.

*En juin, le COR avait prévu un déficit de près de 30 milliards d’euros en 2020.


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