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Le rattachement du RSI à la CNAV : une fausse bonne et vraie mauvaise idée

Cette mesure mal préparée ne remédie pas aux dysfonctionnements du régime des indépendants et risque de produire des effets pernicieux.

Parmi les mesures inscrites dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2018, celle qui prévoit de supprimer en deux ans le RSI (régime des indépendants : artisans, commerçants, industriels, auto-entrepreneurs…) et de l’adosser à la CNAV, contient des zones d’ombres laissant penser qu’il a été insuffisamment préparé.

Les rédacteurs du PLFSS rappellent, à juste titre, que la création du RSI, en 2006, « a été marquée presque depuis l’origine par d’importants dysfonctionnements, informatiques notamment », qui s’étaient traduits pour les affiliés à ce régime par des retards de paiement, des dossiers bloqués, des erreurs dans les appels de cotisations et dans les encaissements, des pertes de droits, des taxations d’office, etc. Ces difficultés et la gestion catastrophique du régime ont, en outre, été pointées par la Cour des comptes en 2012 et en 2017.

Les affiliés ne s’affligeront donc pas de la disparition du RSI… si toutefois elle débouche sur une amélioration, ce qui est loin d’être certain.

En 2012, la Cour des comptes, tentant de dégager les causes du fiasco du RSI, avait constaté : « À l’origine, des préoccupations d’équilibre institutionnel ont primé sur le réalisme indispensable à la bonne mise en place d’un nouveau régime de sécurité sociale. Le transfert du recouvrement a été décidé en l’absence de vision commune des caisses intéressées, et dans un contexte de méfiance entre les acteurs de la protection sociale des indépendants. »

Dans leurs recommandations, les magistrats préconisaient donc de « définir, préalablement à toute réforme d’une telle ampleur et d’une telle complexité, un dispositif de pilotage de projet rigoureux, en particulier en conduisant une analyse des risques exhaustive et préalable à toute décision définitive et en se dotant d’un cadre et d’outils de suivi proportionnés aux enjeux. »

Cinq ans plus tard, il semble au contraire que le gouvernement engage une réforme sans véritable préparation. Les affiliés au RSI, mais aussi au régime général (auquel celui des indépendants devrait être adossé) ont des raisons de s’inquiéter. Rappelons en particulier que :

- les dysfonctionnements constatés dès la création du RSI résultaient notamment de l’incapacité des URSSAF à assurer le recouvrement des cotisations, comme elles en avaient reçu la mission à partir de 2008. Or, s’il est prévu que les prestations de retraite seront désormais servies aux indépendants par les CARSAT (comme c’est le cas pour les salariés), il est précisé que « le recouvrement de leurs cotisations sera assuré par les URSSAF ». Le ver reste dans le fruit…

- Le RSI gère non seulement la retraite de base des indépendants, mais aussi leur régime complémentaire (unifié depuis 2013). Si « la protection sociale des travailleurs indépendants [est] confiée au régime général », comme l’écrivent les rédacteurs du PLFSS 2018, qu’en sera-t-il du régime complémentaire ?

- Le PLFSS précise qu’après la « reprise en gestion » du RSI par le régime général, les travailleurs indépendants « conserveront leurs propres règles et taux en matière de cotisations, justifiées par la spécificité de leur situation » (ce qui est très légitime), mais qu’ils « bénéficieront comme aujourd’hui pour l’essentiel des mêmes prestations que les salariés. » Mais est-il conséquent de réunir dans un régime unique des affiliés qui ne partagent pas les mêmes règles ?

- Enfin, à quelles conditions l’adossement du RSI au régime général sera-t-il réalisé ? En 2012, la Cour des comptes observait que le RSI était « un régime structurellement déficitaire dont l’équilibre dépend d’un impôt affecté (C3S). Et dans leur dernier rapport de certification des comptes de la Sécurité sociale, publié en juin 2017, les magistrats des comptes soulignaient que « le dispositif de contrôle interne du RSI ne présente pas un degré de maîtrise suffisant des risques de portée financière, ce qui entraîne une incertitude sur le montant du solde des charges et produits du régime social des indépendants repris dans le compte de résultat de la CNAVTS et de la branche vieillesse du régime général (-1,3 Md€) ». Quelles seront les conséquences financières de ce rapprochement du RSI avec un régime général lui-même loin d’être bien-portant ? C’est comme si l’on faisait remorquer le vaisseau-fantôme par le Titanic !


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